L’épidémie de Covid-19 est un évènement d’ampleur historique, qui marque probablement la fin d’une époque et le début d’une autre, marquée par la prise en compte de nouveaux risques, de nouvelles priorités et des nouvelles opportunités. Une nouvelle étape dans le récit politique et économique global, comme le fut le 11 septembre 2001. Certains y verront la fin de la croyance en la mondialisation : il est certain que l’organisation des entreprises devra désormais prendre en compte les fragilités globales brutalement révélées par cette crise.
L’un des premiers impacts sur l’économie sera la refonte des supply chain des industries de production et de distribution internationalisées : agroalimentaire, pharmaceutique, énergétique ou industrielle mais aussi prestations de services technologiques. Les entreprises de ces secteurs vont chercher à réduire les risques et l’exposition à des régions du monde perçues comme moins sûres sanitairement et/ou géopolitiquement. Elles y seront notamment poussées par les investisseurs et les compagnies d’assurances.
La seconde conséquence, qui sera sans doute plus longue à se dessiner, concerne les stratégies d’expansion géographique, qui vont probablement se recentrer sur des développements locaux ou régionaux, plus en proximité, afin là aussi de réduire les risques humains et financiers.
La troisième concerne l’organisation interne des entreprises. La crise du coronavirus confirme la nécessité d’organisations plus horizontales, plus décentralisées et plus agiles. En effet, par sa rapidité, sa brutalité et son caractère global, la crise actuelle démontre la fragilité des organisations pyramidales et hiérarchiques classiques et devrait accélérer la diffusion de tendances émergentes dans les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites. En première analyse, voici celles qui pourraient s’avérer significatives :
1. La généralisation d’organisations de travail flexibles
La généralisation d’organisations de travail flexibles qui mêlent présence dans l’entreprise et activité à distance. Les entreprises les plus avancées permettent à leur salariés de travailler chez eux ou dans des à la demande et ont mis en place les outils de vidéoconférence (Hangout, Whereby, Webex, …) et de collaboration (Slack, Trello, Notion, ..) qui permettent de travailler efficacement à distance, non seulement pour des réunions, mais aussi pour des sessions de travail ou des workshops.
2. La structuration en équipes entrepreneuriales autonomes de petite taille
La structuration en équipes entrepreneuriales autonomes de petite taille, susceptibles de fonctionner en petites unités résilientes, avec peu ou pas de directives venant de la direction centrale de l’entreprise en cas de crise majeure. Une littérature abondante existe déjà sur le sujet, et plusieurs groupes de taille mondiale (Google, Spotify, etc) ont déjà mis en oeuvre les solutions organisationnelles de ce type : mise en place de ‘tribus’, de ‘squads’ ou de ‘guildes’ flexibles et autonomes. L’une des conséquences ambiguës de cette évolution sera de gommer encore plus la séparation entre la sphère privée et la sphère professionnelle dans l’organisation personnelle des individus.
3. L’augmentation du degré d’autonomie consenti aux collaborateurs
L’augmentation du degré d’autonomie consenti aux collaborateurs, et une responsabilisation accrue leur permettant de prendre des initiatives pour innover et pour gérer les situations difficiles. En particulier, les pratiques managériales sont destinées à évoluer pour permettre cette autonomisation et faire passer les managers de la supervision au coaching de leurs équipes. Les programmes intrapreneuriaux, lorsqu’ils sont bien conçus et accompagnés, sont aussi des outils puissants de diffusion de la d’une culture d’innovation et de responsabilisation.
4. La diffusion de méthodologies collaboratives
La diffusion de méthodologies collaboratives permettant aux collaborateurs de travailler efficacement dans ces nouvelles organisations autonomes et entrepreneuriales. Ces méthodes fondées sur l’intelligence collective ont été créées dans les années 1960 et 70, et se sont lentement diffusées et perfectionnées, mais restent encore marginales dans le plupart des entreprises : design thinking, growth hacking, business agility… Dans des organisations entrepreneuriales et décentralisées, elles sont destinées à devenir la norme.
5. La promotion d’une culture interne favorisant la bienveillance, l’empathie et la prise en compte des individus dans leur globalité
La promotion d’une culture interne favorisant la bienveillance, l’empathie et la prise en compte des individus dans leur globalité, professionnellement et personnellement. Les épidémies touchent potentiellement tout un chacun dans son activité mais aussi dans sa vie familiale, qui peut être affectée par la maladie ou le décès de proches. Les organisations vont être soumises à une injonction paradoxale : prêter beaucoup plus d’attention qu’auparavant aux situations personnelles de leurs collaborateurs, tout en respectant leur droit à la vie privée.
6. La capacité à s’appuyer concrètement sur un socle de valeurs solides et effectivement mises en oeuvre
Enfin, point majeur, la capacité à s’appuyer concrètement sur un socle de valeurs solides et effectivement mises en oeuvre, qui puisse résister à des situations de stress intense. C’est précisément lors de conditions extrêmes comme la crise actuelle que l’on peut vérifier si les engagements vis à vis des parties prenantes (clients, salariés, actionnaires, fournisseurs, prestataires, communautés et territoires d’implantation, etc) sont conformes aux les valeurs affichées – y compris dans les décisions les plus terre à terre comme confirmer ou rompre des engagements contractuels par exemple.