On voit naître depuis le début de cette crise un large mouvement de solidarité pour lutter contre la propagation du Covid-19. L’ensemble du tissu économique français s’engage dans cette « guerre » en innovant et en collaborant pour créer des réponses nouvelles ou réorienter leurs chaînes de production et leurs compétences. Une agilité et du capital mis au service de l’intérêt général. Cette première vague de mobilisation du monde économique vise à répondre à 3 enjeux urgents.
1er enjeu : répondre aux besoins urgents du personnel soignant
Pour répondre à la pénurie de masque et de gel hydroalcoolique, les plus grandes entreprises ont réorienté une partie de leurs chaînes de production. LVMH a été l’une des premières entreprises à répondre à l’appel d’aide du gouvernement. En quelques heures, l’ensemble de la chaîne de production s’est réorganisé pour être capable de produire en rythme de croisière près de 13 tonnes de gel par semaine, ensuite distribués aux personnels soignants. L’Oréal a emboîté le pas en lançant le « Plan européen de solidarité », une stratégie globale intégrant la production de gel hydroalcoolique mais également des actions concrètes de solidarité avec leurs clients et fournisseurs. La Fondation L’Oréal a aussi fait un don exceptionnel d’1 Million d’euros pour les associations engagées contre la précarité. On peut également citer Ricard, qui a offert 70 000 litres d’alcool pur qui permettront à terme de produire 1,8 Millions de flacons, ou encore les Laboratoires Boiron qui ont reconcentré leur production pour répondre aux besoins croissants de l’Etablissement Français du Sang.
La pénurie de masques.
L’industrie du papier a été mobilisée par le gouvernement pour produire au plus vite. L’industrie textile est rapidement montée dans le train pour créer un patron, le faire valider par les autorités et le diffuser en opensource. L’indispensac ou encore 1083 ont engagé leurs chaînes de production, dès la validation du prototype, pour être aujourd’hui en capacité de produire 100 000 masques lavables par jour, tous mis à disposition des personnels soignants. Sur ce sujet encore, notons l’incroyable puissance d’une collaboration entre LVMH et le ministère de la Santé. Près de 40 millions de masques seront livrés dans les prochaines semaines grâce à la mutualisation des moyens, des réseaux et de la compétence entre ces deux entités. La période nous amène également à innover en repensant les usages de produits à fort succès commercial. Pensons par exemple aux masques de plongée Subea développés par Décathlon qui ont vu leur usage repensé par des startups utilisant l’impression 3D. Objectif : les adapter techniquement pour permettre leur utilisation en milieu hospitalier. Et même des acteurs plus petits mais pas moins engagés comme Nomasei, la marque de chaussure de luxe éthique, a engagé son usine italienne dans la fabrication de masques homologués et distribués à la Protection civile.
D’autres initiatives méritent également le coup de projecteur. La BNP a offert 1 Million d’euros pour la recherche sur le coronavirus à l’Institut Pasteur. La firme italienne Ferrari a, quant à elle, mobilisé ses usines de moteurs pour répondre à la pénurie de pièces centrales dans la production des appareils respiratoires.
Prendre soin de nos soignants
De nombreuses entreprises ont pris des initiatives rapides et très intéressantes pour soutenir les personnels hospitaliers dans ce marathon. Feed propose ainsi la livraison gratuite de repas directement dans les services. Une adresse a été créée : soutien@feed.co. De nombreuses franchises comme Dominos Pizza ou Planète Sushi, distribuent tous les soirs des centaines de repas aux services hospitaliers locaux. D’autres témoignages sur les réseaux sociaux permettent de mettre en lumière une multitude d’initiatives locales et solidaires. Des commerçants locaux aux taxis, beaucoup d’entrepreneurs prennent leur part.
Doctolib a, par exemple, rendu son offre gratuite pour les médecins le temps de la crise. A noter que les téléconsultations ont augmenté de 40% depuis le début du confinement. Medadom et Livi ont également suivi la démarche.
2ème enjeu : assurer le maximum de continuité de l’activité économique
Les entreprises de services mettent en commun leurs outils pour permettre au plus grand nombre de poursuivre leur travail à distance. Google donne accès gratuitement jusqu’au 1er juillet à la version premium de Google Hangout Meet, son service de Visio-conférence. Autre acteur important du secteur, Zoom a élargi le périmètre de ses offres gratuites en rendant accessibles la plupart des fonctionnalités. Même démarche pour Avaya, Cisco / Webex, LogMeIn, Klaxoon… qui rendent tous gratuites leurs offres.
Le gouvernement estime que 8 millions de personnes pourraient être en capacité de télétravailler. 8 millions de personnes qui surchargeront sur les heures de travail les réseaux, qui utiliseront en même temps les outils de visioconférence et qui devront totalement repenser leur organisation et se former chemin faisant à l’utilisation de ces outils collaboratifs.
Et tout le monde joue le jeu de la solidarité. Wimi s’est engagé à former et équiper 100 000 agents de la fonction publique passant en télétravail pour plusieurs semaines et devant assurer la continuité du service public. Netflix, Google, Youtube ainsi que les opérateurs internet ont accepté de suivre les recommandations du ministre du numérique en adaptant leurs usages pour que tout le monde puisse profiter pleinement du réseau.
C’est aussi tout une chaîne de solidarité qui s’est construite au travers notamment des structures de l’accompagnement à l’entrepreneuriat. Le CJD propose aux entrepreneurs de son réseau de se réunir régulièrement au travers d’un webinar, pour partager l’information pratique et se former collectivement sur la façon d’absorber au mieux cette crise. Diversidays propose des sessions live sur ses réseaux, permettant aux entrepreneurs de continuer à se former et s’inspirer.
Lita.co, acteur majeur de l’économie à impact, propose aux particuliers qui investissent sur sa plateforme de poursuivre leurs investissements sans prendre de commission tant que la crise sanitaire durera. Ils proposeront, dans les prochains jours, des modalités nouvelles de soutien et d’accompagnement des entrepreneurs. Phenix lève également sa commission de 20% pour permettre aux commerçants de bénéficier du service tout en récupérant entièrement le prix de vente. Enjeu vital pour soutenir les petits commerces et préserver leur engagement anti-gaspi. L’ensemble du mouvement B-corp s’engage très naturellement dans ce mouvement solidaire en encourageant ses membres à s’investir dans la proposition de réponses innovantes et en mettant en lumière ces initiatives sur ses réseaux. Enfin, le mouvement Tech for good fédère et coordonne l’ensemble des initiatives solidaires de sa communauté. Une belle promesse d’innovation à impact !
3ème enjeu : répondre aux besoins des plus fragiles et d’une population confinée
Continuons notre tour d’horizon, pour constater qu’également dans le champ de la solidarité et de l’inclusion, les entreprises répondent à l’appel de la communauté. Le Groupe BNP a par exemple offert 20 000 chèques déjeuner en réponse à l’appel au dons du Samu social de Paris pour les personnes sans-abris. Le groupe Accor a mis à disposition 30 de ses hôtels pour permettre la mise à l’abri des personnes mal-logées ou à la rue et soutenir le travail des associations spécialisées.
Le secteur de l’Éducation est évidemment très présent à l’avant garde de ce mouvement pour répondre aux enjeux de continuité de l’offre éducative. Le réseau des Éditeurs éducatifs permet la consultation gratuite des manuels scolaires en ligne à tous les élèves confinés. Maxicours propose un accès gratuit à tous ses contenus sur les heures de cours 9h-17h. Le Groupe Bayard offre un accès gratuit à sa plateforme Bayam qui propose des activités interactives à proposer aux enfants (visites virtuelles de musées, activités pédagogiques, podcasts…). Educ’Arte, la filiale d’Arte au service des enseignants, permet la consultation gratuite à l’ensemble de ses contenus (géniaux !). Projet dans lequel Maud Franca, co-fondatrice de La Scène, est très largement impliquée.
Les acteurs de la Culture et de la Presse répondent également à l’appel. Majelan offre un accès gratuit à tous les contenus pendant 1 mois avec le code “majelan”. Canal +, avant qu’il ne soit rejeté par le CSA, est passé en clair pour les non-abonnés, accessible depuis les box de tous les opérateurs. L’Opéra de Paris a mis en ligne gratuitement une partie de ses spectacles, que l’on peut visionner depuis operadeparis.fr. Enfin, The New York Times et Le Monde offrent une consultation gratuite de tous les contenus en lien avec la crise sanitaire actuelle et le covid-19. (Même pour rire Pornhub a offert une consultation gratuite de ses contenus premium, aux viewers français et italiens.)
Les initiatives sont tellement nombreuses qu’il nous est impossible de toutes les partager. Les cours de sport ou de yoga en ligne, les tips sur la façon de bien manger, l’échange de pratique entre parents… ne cachent pas non plus toutes les initiatives à destination des publics les plus en difficultés. Les hôtels mettent à disposition des chambres dans les grandes villes pour les personnes sans-abris, la Protection de l’Enfance peut compter sur le soutien des salariés de grands groupes détachés en mécénat de compétences le temps de quelques heures ou encore la livraison par la BNP de centaines d’ordinateurs pour les familles subissant de plein fouet la fracture numérique. Autant d’opportunité pour le monde économique d’avoir un impact social direct. Une opportunité de concevoir et repenser son activité core business sous le prisme de l’intérêt général.
Un moment clés pour entrer dans une nouvelle ère
Cette liste à la Prévert n’est évidemment pas exhaustive. Les initiatives se multiplient. Coordonnées ou isolées, elles ont au moins le mérite de matérialiser en actions concrètes un mouvement plus souterrain et plus ancien. Depuis plusieurs mois, l’entreprise reprend conscience de sa place au sein de la Cité, du potentiel de son impact social et environnemental sur les principaux enjeux de société. La loi pacte aidant, les précurseurs Tech for good et B-corp en première ligne, l’entreprise a à présent la puissance et les moyens pour innover tout en respectant un cadre éthique et de nombreux critères qui l’engage vis-à-vis du reste de la société.
Cette période fait la part-belle à la collaboration et l’esprit entrepreneurial.
Comme l’illustrent les exemples précédemment cités, la crise sanitaire est mobilisatrice. Les capacités d’innovation des grandes entreprises sont mises à disposition de la société dans son ensemble. La collaboration se développe naturellement et la différenciation public / privé ne fait plus grand sens. La pluridisciplinarité est vectrice de solutions nouvelles. Recherche publique, laboratoires pharmaceutiques, ministère de la santé se sont, par exemple, associés dans un temps record pour tester de nouveaux traitements et raccourcir à tous points de vue des temporalités qui semblaient incompressibles. Les compétences entrepreneuriales sont mises en avant et permettent à des services entiers souvent raillés pour leur organisation descendante ou sclérosée (la Protection de l’Enfance, l’Education Nationale, la restauration collective…) de pouvoir s’organiser au jour le jour avec une agilité nouvelle. Chacun s’empare de son poste pour l’adapter à la situation et trouver un sens. Citons par exemple, les hôtesses de caisse aujourd’hui à l’avant garde qui font tourner par leur présence et leur humilité l’ensemble d’un pays en confinement. L’échelle des valeurs s’inverse au fur et à mesure que nous nous retrouvons confrontés à la solitude de nos appartements et à nos besoins primaires. La pyramide de Maslow n’a jamais été aussi pertinente pour comprendre la phase que nous traversons.
Une opportunité d’expérimenter de nouvelles formes d’engagement.
La période actuelle nous permet aussi de prendre conscience de la place vitale des acteurs de l’ESS ainsi que de leurs capacités d’innovation. Avec une présence terrain importante, une expertise redoutable sur la relation humaine et les problématiques que nous rencontrons tous au quotidien ou encore avec une agilité impressionnante pour répondre dans l’urgence à des besoins colossaux, les acteurs de l’économie sociale et solidaire peuvent inspirer les grands groupes sur de nombreux sujets. Se connecter aux acteurs de l’ESS est un levier puissant pour innover, mieux connaître son marché et répondre à l’ambition portée dans sa raison-d’être.
La période que nous vivons est également particulièrement riche d’enseignements dans notre quête de penser le travail de demain. Le chômage partiel et la “nationalisation” temporaire d’une partie de la production des entreprises challengent la relation de solidarité entre l’entreprise et la Cité. Et si nous poussions l’expérience actuelle pour explorer des nouvelles formes de travail, au travers de desquelles le salarié et son entreprise seraient perçus comme des membre solidaire et engagés de la société ? Et si, cette expérience de chômage partiel se transformait en expérimentation d’une nouvelle forme de travail et d’un nouvel engagement de l’entreprise ? Revenu universel, mécénat de compétences, bénévolat sur son temps de travail.
De plus en plus à Schoolab, nous sommes sollicités pour accompagner ces acteurs économiques sur le développement d’innovations sociales prenant place au coeur de leur activité. Souvent d’abord mus par des enjeux RH, de fidélisation de leur personnel en quête de sens ; ces entreprises, encouragées par les mouvements globaux et les changements amorcés par les consommateurs, tentent d’intégrer en plein coeur de leur business un impact répondant aux principales problématiques contemporaines. L’injonction au changement qui suivra cette période particulière de notre histoire est une formidable opportunité pour poursuivre cette dynamique et lui donner une ambition forte. Les challenges à venir seront sans doute nombreux.
- Comment inscrire dans la durée ces nouvelles façons de travailler ?
- Comment donner corps à un modèle managérial plus horizontal, plus bienveillant s’appuyant sur la confiance ?
- Comment répondre à cette quête de sens portée par ces millions de salariés lancés dans une introspection solitaire durant ces semaines de confinement ?
- Comment donner vie à cet élan de solidarité qui dépasse les clivages idéologiques ou les barrières statutaires ?
- Comment innover ensemble pour penser une nouvelle grande étape de notre développement ? Comment concilier encore davantage business et intérêt général ?
Le président de la République a mobilisé et avertit en parlant de “guerre”. Il a appelé à la mobilisation générale, sans à priori, sans limite. De la seconde guerre mondiale a émergé un modèle nouveau modèle ancré sur la solidarité entre les générations. Modèle qui nous permet depuis 75 ans maintenant (même s’il est assurément fragilisé) de pouvoir compter sur la solidarité nationale en cas de problème de santé, de perte d’emploi ou de passage à la retraite. Pourquoi la victoire prochaine dans cette guerre contre un virus symbole ne serait pas une opportunité incroyable pour enrichir et renforcer un nouveau cadre de solidarité ? Pourquoi celui-ci ne laisserait pas toute sa place à l’entreprise ?
Collaborer et entreprendre : l’entreprise a un rôle à jouer
A Schoolab nous croyons plus que tout à la puissance de la collaboration. Nous sommes persuadés qu’un monde plus entreprenant et plus collaboratif aura un impact positif sur nos sociétés. A tel point que nous l’avons inscrit au coeur de notre mission.
Collaborons pour trouver des solutions nouvelles aux problématiques majeures de notre temps. Collaborons pour refaire communauté. Une communauté où chaque acteur, de l’entreprise à l’individu, de l’association à l’Etat, prend toute sa place. Collaborons pour une société plus inclusive et plus juste.
Entreprenons pour continuer à créer de la valeur tout en participant à apaiser un modèle économique qui tourne à une vitesse folle. Entreprenons pour réinscrire notre économie à une échelle plus locale. Entreprenons ensemble pour réfléchir, construire et répondre aux prochaines crises (l’enjeu climatique nous fera certainement relativiser la crise du covid-19).
Dépassons le cadre aujourd’hui désuet de la RSE pour ancrer l’impact social et environnemental au coeur de nos business. Créons des ponts entre corporates, acteurs de l’ESS et institutions publiques et dépassons les clivages pour l’intérêt général. Voeu peut-être pieu et utopique que d’espérer sortir d’un modèle de la confrontation pour entrer dans un modèle de la collaboration.
Nous prendrons en tout cas toute notre place dans ce mouvement qui vise à construire avec d’autres les prémices d’une société plus solidaire, plus inclusive et d’une économie au service de l’intérêt général. En attendant, le moment est à la mobilisation collective pour combattre ce virus et surmonter cette période en limitant la casse et en faisant en sorte de ne pas fragiliser encore davantage les plus précaires.