Le numérique bouscule la mobilisation citoyenne, et plus globalement la démocratie. Menaces et opportunités s’y mélangent : si certains se réjouissent de voir le numérique apporter une “bouffée d’oxygène” à la participation citoyenne, d’autres dénoncent un “civic-washing” délétère de la part de certaines collectivités.

Où se situe la vérité ? Surement entre les deux, comment souvent. Mais il reste certain que le numérique est porteur d’opportunités importantes pour la mobilisation citoyenne : mieux comprendre cette dernière et en maîtriser les nouveaux rouages permet de saisir ces opportunités plutôt que d’en subir ses effets potentiellement néfastes.

Avant de se pencher sur les différents leviers d’action qu’offre le numérique pour la mobilisation citoyenne sur les territoires, revenons sur la définition de la mobilisation citoyenne. Si le terme n’existe pas encore tel quel dans le Larousse, l’expression s’utilise fréquemment pour parler des rassemblements de citoyens autour de projets ou de causes communes, dans le but d’améliorer la qualité de vie de chacun. 

Trois notions ressortent ainsi : les notions de collectif, de passage à l’action et de buts communs. Ces notions sont démultipliées par le numérique : il semble crucial pour les acteurs du territoire, entreprises, associations ou collectivités, de s’en emparer.

S’il y a bien une conséquence du numérique reconnue par tous, c’est la capacité de création de collectifs. Les exemples sont nombreux : d’Exctinction Rebellion au mouvement des Gillets Jaunes pour n’en citer que deux, le numérique a joué et joue toujours un rôle de “boule de neige” du collectif. Chaque citoyen peut être touché par une information, chaque citoyen peut donner son avis, chaque citoyen peut donner son soutien à une cause en ligne.
Qu’est-ce que cela nous apprend pour la mobilisation citoyenne sur les territoires ? Que les citoyens ont désormais la capacité de s’engager et de participer plus facilement. L’exemple de la consultation en ligne pour l’élaboration de la loi pour une République numérique en France est en ce sens éclairant : plus de 21 000 contributeurs ont voté près de 150 000 fois et déposé plus de 8 500 propositions. A l’échelle locale, des initiatives de Budget participatif (à Paris, mais aussi à Grenoble, Rennes, Cachan..) montrent de la même manière un attrait des citoyens pour ces nouvelles formes de participation.

L’enseignement pour les acteurs du territoire est ici simple : lancez vos propres actions de mobilisation citoyenne, les citoyens en sont demandeurs et le numérique démultipliera naturellement son action.

Le passage à l’action est le second aspect de la mobilisation citoyenne qui se trouve renforcé par le numérique. Si durant une première période, le vecteur numérique était essentiellement utilisé par les collectivités pour informer les citoyens, le champ du numérique investit désormais l’action. Le Grand Débat, la Convention Citoyenne pour la Transition Écologique, mais aussi chaque atelier de concertation citoyenne pour des projets d’aménagement : le citoyen n’est plus là pour écouter, mais est sollicité pour s’exprimer et agir. C’est en allant un cran plus loin que sont par exemple organisés des Hackathons citoyens, réunissant experts, associations, entreprises et citoyens sur un sujet.
La capacité de sourcer les projets, de réunir les citoyens autour de ceux-ci, et de faire réellement participer les citoyens à la création des solutions est autrement plus efficace en terme d’engagement que de simples conférences informatives. Nous avons par exemple pu le voir lors du Hackathon de l’Économie Circulaire, organisé à Bastia par l’Ademe, Emaho et Schoolab : intégrer les citoyens dès les phases de création des projets permet non seulement de créer un effet d’entraînement collectif fort, mais permet également de démystifier certaines thématiques en mettant les citoyens en situation de “faiseurs” et non de “commentateurs”.

Dernier pilier de la mobilisation citoyenne 2.0 : les buts communs. Si la mobilisation citoyenne fait surtout la une récemment grâce à ses “victoires contre…”, les exemples de mobilisation “pour” un projet ou un mode de vie sont nombreux. C’est une ré-appropriation de la chose publique à laquelle nous assistons par ces nouveaux modes de mobilisation : nombreux sont les citoyens à penser aujourd’hui que la majorité des entreprises et collectivités n’ont pas pour priorité d’œuvrer pour le monde qu’ils désirent. Ils s’engagent ainsi dans des démarches de mobilisation pour faire pression sur ces acteurs (les grèves des lycéens pour le climat en sont un bon exemple). 

L’enjeu pour les acteurs territoriaux nous semble le suivant : se positionner comme des acteurs qui accompagnent cette volonté de futur souhaitable. En étant “allié” de cette mobilisation citoyenne, ce n’est pas la pression citoyenne que ressentiront ces acteurs, mais la puissance positive de la mobilisation. 

Mais attention : rien n’est pire sur le long terme que la sensation de “civic-washing” que peuvent ressentir les citoyens face à certaines initiatives qui restent au stade de boîte à idées numérique, ou qui promettent la participation à un processus décisionnel sans l’assumer dans les faits. Les critiques et espoirs déchus concernant la Convention Citoyenne en sont une bonne illustration… Il faut donc non seulement engager les citoyens dans des projets communs positifs, mais aussi être clair dès le départ de la démarche sur les niveaux de participation à chaque étape de l’initiative.

Le numérique est ainsi une opportunité majeure pour les acteurs des territoires dans le cadre de mobilisation citoyenne, mais n’est pas sans risque. Comme souvent, le diable se cache dans les détails et ce n’est que par une démarche cadrée et sincère que les entreprises et collectivités peuvent tirer parti de cette opportunité.