Vincent Viollain dirige la partie partenariats & startups de VivaTech, le plus grand événement européen consacré à la Tech et à la transformation digitale, dont il fait partie de l’équipe fondatrice. Ancien consultant en stratégie, entrepreneur, Vincent est maître de conférences associé au CELSA (La Sorbonne) et enseigne également à Sciences Po et à l’ESCP.

Quelles sont les grandes étapes d’une collaboration startup grand groupes, les moments charnières?

“L’Open Innovation est un processus ouvert et singulier par définition puisqu’il repose sur la relation entre un grand groupe et une startup qui ont un chacun des caractéristiques. Cela étant à mesure que l’Open Innovation se diffuse et qu’elle se stratifie, on peut tout de même identifier 3 grandes étapes diachroniques :

  • L’étape de sourcing et de rencontre entre la startup et le grand groupe, dont l’objectif est d’aboutir à la sélection par le grand groupe, de la startup.
  • L’étape de maturation de la collaboration, aboutissant à un partenariat commercial. 
  • L’étape d’industrialisation avec le passage à l’échelle de la collaboration.”

A chacune de ces étapes, quels sont les irritants potentiels?

“Il faut d’abord comprendre que les irritants ne sont pas les mêmes côté startups et côté grands groupes. Au début de la relation, la problématique n’est pas la même, d’un côté le grand groupe reçoit beaucoup de dossiers et doit trouver la bonne manière de les sélectionner en fonction de ses propres capacités et attentes, de l’autre la startup doit essayer de comprendre comment fonctionne le groupe pour maximiser ses chances de réussite de collaboration. Lors de l’industrialisation, ce qui touche à l’internationalisation, aux aspects juridiques ou au système d’information devient très complexe pour les deux acteurs. Il existe un certain nombre de freins à casser pour continuer d’avancer. De manière transverse, le point central me semble-t-il réside dans le fait de faire coexister en permanence des grammaires, des grilles de lecture qui sont nécessairement différentes, plus ce point est pris en compte, et plus il l’est tôt, plus la réussite est au rendez-vous”

Quelles sont les solutions et alternatives à ces problèmes rencontrés?

“Pour faciliter la création du partenariat, le grand groupe peut optimiser en temps et en qualification son processus de recrutement, mais il faut une roadmap claire, ,il faut des critères solides et clairs à expliquer pour éviter toute asymétrie d’information avec la startup. Il est important aussi que le grand groupe et la startup prennent le temps de comprendre l’intérêt qu’ils ont de travailler ensemble, en effet une collaboration ne peut reposer sur la seule opportunité d’utiliser une solution innovante, mais doit pouvoir s’intégrer à l’écosystème du groupe et à son business model. Le passage à l’industrialisation est facilité si le grand groupe ne met pas la seule direction de l’innovation  face à la startup, elle est évidemment la clé de voûte mais les expériences réussies de collaboration reposent sur un dé-silotage systématique au sein du groupe lui même : faire appel aux Business units, faire appel à ses clients pour tester la solution ou encore à des VCs partenaires permet bien souvent  d’identifier et de lever les freins potentiels. 

En parallèle de ce processus la startup doit  surtout continuer à se concentrer sur son offre et son produit, ,à  passer à l’échelle et à  se financer, en conséquence. Tout son temps ne doit pas être utilisé dans la relation avec le grand groupe, un écueil parfois constaté. “

Un conseil à retenir pour une collaboration startup grands groupes réussie ?

“Il faut communiquer en permanence. Le grand groupe doit préciser quelles sont ses contraintes en terme de temps, d’argent, de process et surtout de ressources. La startup doit être transparente sur son évolution. Il est crucial qu’elle explique les stades où elle se trouve, la non transparence est un facteur d’échec de relation encore trop courant..”

Comment la crise du  Covid-19 influence t-il l’Open Innovation?

“L’erreur serait de penser que cette crise va détruire l’open innovation, que c’est la fin d’un processus d’ouverture de l’innovation débuté au tournant des années 70 – déjà à l’occasion d’une crise d’ailleurs.. A court terme, la voilure de l’Open Innovation peut se réduire sur 2020 et début 2021 dans certains groupes,  mais assez rapidement la crise du Covid va accélérer l’open innovation. C’est une nécessité pour tous les groupes d’accélérer leur transformation digitale et leur transformation tout court, et dans ce contexte ils ont besoin des startups pour aller vite. En revanche, bien entendu, des évolutions dans la manière de construire cette Open Innovation sont en cours.

Quelles sont les tendances 2021 de l’Open Innovation?

“Là où je suis, j’identifie deux tendances lourdes. L’Open Innovation est en train de largement s’ouvrir au-delà du couple startup grand groupe, notamment en intégrant des acteurs tels que les laboratoires de recherche ou certaines ONG. 

Par ailleurs, les projets d’Open Innovation vont désormais davantage porter sur des phrases d’industrialisation , car le ROI à attendre de ces actions est plus fort. Dans cette situation de crise, les projets de collaboration doivent avoir une valeur perçue très forte dès le débat pour pouvoir passer à l’échelle dès que c’est possible et ainsi être un vrai catalyseur de transformation pour les grands groupes.